Hymne à l'amour pour une grand-mère et ses boulettes & Vitoulets de Charleroi selon Pierre-Brice Lebrun

3 mars 2013

Hymne à l'amour pour une grand-mère et ses boulettes & Vitoulets de Charleroi selon Pierre-Brice Lebrun

C'est la fête des grands-mères en ce beau dimanche ensoleillé.
Ma grand-mère paternelle était d'origine belge du côté wallon, dans la province du Hainaut, aussi j'ai été très attendrie par le beau texte de Pierre-Brice Lebrun, auteur du " Petit traité de la boulette "

Prolégomènes

[Elles sortaient à midi, dorées sur le dessus, grillées, moelleuses en dessous, encore roses.
Elles crépitaient dans le beurre blond qui brunissait le fond du plat en pyrex

Elles ne faisaient que frémir : je leur dois mes premiers émois gustatifs.
Le roi des Belges, j’en étais sûr, n’en mangeait pas d’aussi bonnes ; je le crois toujours et il ne sait pas ce qu’il perd.
Elles dégageaient une odeur de viande tendre, goûteuse, onctueuse, une odeur de beurre fondu. Je n’ai jamais su la reproduire ; je m’en suis, je l’avoue, à peine approché.

Je continue ma quête, mais je pleurerai comme le gamin que j’étais quand, un jour, je les retrouverai : elles portent en elles, ces fabuleuses boulettes, toutes les saveurs de mon enfance, les goûts, les odeurs et les couleurs de mes premières années.

Elles étaient ma référence, elles le sont d’ailleurs toujours. Ce que, dans les rues de Burenville, je trouvais bon, l’était toujours moins que les boulettes.
Elles me servent toujours d’étalon quand, le carnet à la main, je m’attable pour travailler : chaque plat, même le plus élaboré, le plus créatif, coloré, osé, se mesure à l’aune des boulettes de ma grand-mère, qu’aucun chef, aussi étoilé soit-il, n’a jamais été capable d’égaler.

J’aimais que la viande ne soit pas trop haché menu : il fallait des morceaux, des filaments, de la matière à mastiquer…..
Elles fondaient dans la bouche, j’en descendais deux, voire trois, alors qu’une seule, normalement devait servir de repas.

On ne pouvait en manger que le mercredi, pour d’obscures raisons de compatibilité avec le marché, la soupe et l’os du bouilli : ma grand-mère avait des principes, basés sur des certitudes, forgés dans les habitudes. Mon grand-père avait depuis longtemps renoncé à les commenter. Il soupirait, fataliste, en levant les yeux au ciel, mais, le mercreddi, quand les boulettes sortaient du four, il était aussi excité que moi.

Les boulettes se suffisaient à elles-mêmes, on ne les accompagnait d’aucun légume : on mangeait des boulettes, et puis c’est tout !
On pouvait les terminer le soir, quand il en restait. Elles étaient délicieuses froides, avec des frites et de la mayonnaise.

Mon amour des boulettes, des marchés et des plats en pyrex date de ces mercredis matin à Burenville, tout à côté de Liège, ces mercredis matin passés en compagnie de ceux que j’ai, de toute ma vie, le plus aimés et à qui je dédie sans hésiter le présent ouvrage]

Pierre-Brice lebrun

Si comme moi vous ne connaissiez pas le mot " prolégomènes " voici ce que dit le petit Larousse (édition 1963) :
( gr.prolégoma, choses dites avant )
Longue introduction en tête d'un ouvrage . Ensemble des notions préliminaires à une science.

Et c'est bien le cas ici, car ce livre est véritablement une science de la boulette !

Je n'essaierai pas de réaliser les boulettes de la grand-mère de l'auteur: lui même n'y parvient pas, j'ai néanmoins choisi une recette du livre au chapître de la belgique.

Je vous donne les proportions originales, je les divisées de moitié pour mon usage familial
1kg de viande hachée ( porc et veau mélangés, ce serait trop sec avec juste du boeuf )
2 oeufs
100g de mie de pain trempée dans du lait
100g d'échalotes hachées
Muscade ( si vous voulez)
Persil frais et ail ( 3 gousses au maximum, mais ce n'est pas obligatoire )

Je vais ici vous donner le texte exact de la recette écrite par l'auteur, sa manière de la raconter fait partie du plaisir

[Plus simple, il n'y a pas: touillez dans un grand saladier ( allez y à la main, nous sommes entre nous ) la vainde hachée, les oeufs, la mie de pain, les échalotes, le sel, le poivre, la noix de muscade, le persil frais et l'ail. Essorez légèrement le pain de mie avant de l'incoroprer, pour qu'il régurgite une partie du lait dont il s'est imbibé: l'idée était de le mouiller, pas d'inonder le saladier.
Quand la pâte colle aux doigts, faites des boulettes - des vitoulets, donc- d'environ 100g chacun, puis faites les rissoler dans du beurre bien chaud pendant une trentaine de minutes ( le Wallon n'a jamais peur de mettre trop de beurre, préférez un Franchimont si vous en trouvez ) .
Les vitoulets s'apprécient froids ou chauds, avec une tartine ( beurrée), ou avec une d'jote ( une sorte de potée aux légumes et aux lardons).

La cuisson est faite dans une poêle de Buyer avec un bon morceau de beurre dont j'ai nourri les boulettes, en les retournant souvent : le rissolé est appétissant!

J'ai opté pour les frites, n'ayant pas tout sous la main pour une d'jote ( oublié d'acheter des lardons ) nos amis des blogs belges sauraient nous en donner la recette, j'en ai trouvé une sur ce site, mais il y en a sûrement d'autres

J'ai acheté ces primevères colorées au marché de vendredi, une façon ici de souhaiter bonne fête à toutes les grands-mères ..... sans oublier les grands-pères.

Je vous présente le " Petit traité de la boulette " de Pierre-Brice lebrun ( éditions Le Sureau 2009 )
N'hésitez pas à vous le procurer, à la fois livre de recettes et d'histoires, il se dévore avec une grande allégresse jusqu'au bout !
Pierre-Brice Lebrun a écrit aussi un Petit traité des pâtes et un Petit traité du pois chiche aux mêmes éditions du Sureau